Alors voilà; nous avons traversé le Mona Passage de Samaná vers Puerto Réal. Le Mona Passage n’a pas très bonne réputation; les courants y sont forts et imprévisibles et viennent se heurter à des hauts fonds qui les poussent vers la surface en créant toutes sortes de vagues étranges et inconfortables.
Malgré tout, nous étions prêts. (Comme le « Toujours Prêts » des Scouts, pas comme le « Nous sommes prêts » de Jean Charest… c’est différent.) Bref, nous étions prêts, et nous avions une fenêtre météo… potable. Juste potable, parce que des fenêtres météo parfaites pour cette traversée là, ça n’existe pas vraiment. La fenêtre qu’on avait était décente, mais courte. Assez courte, qu’il fallait partir aussitôt les vents apaisées, et pas plus tard, pour ne pas se faire surprendre à la fin avec du mauvais temps. Bref, il fallait partir malgré que les vagues générées par les vents forts des derniers jours ne se soient pas encore calmées.
En soi, pas de problème, parce qu’en avançant vers l’est, on est habitués de se faire brasser, et on sait qu’on a le bon bateau pour ça. (Je vous donnerai davantage d’explications sur les raisons qui font de Sage un bon bateau de mauvais temps dans un autre post.)
Bref, on part à la tombée de la nuit, dans de la grosse vague courte et pas l’fun. On hisse la grand-voile seulement, avec un ris, pour stabiliser et ménager le bateau un peu. De cette manière, on tire des bords à la voile et au moteur, ce qui nous permet d’avancer avec un angle d’environ 25 degrés du vent au lieu de 45 normalement.
Tout se passe bien, jusqu’à ce que je décide d’aller me chercher un ti bonbon au gingembre dans le bateau. M’semble que ça sent le diesel…
Post written by Remy, and translated by Magalie
So it’s DONE! We crossed the Mona Passage from Samana (Dominican Republic) to Puerto Real (Puerto Rico). The Mona passage has a bad reputation, there are lots of currents and shoals that create funky and uncomfortable waves.
All in all, we were ready (like good boy and girl scouts!) We were ready, and we had an ‘OK’ weather window… Just OK… Because great weather windows for that leg are near inexistant. Our window was decent, but short. So short that we needed to start the run as soon as the wind calmed down, and not much later unless we could arrive on the other side with surprisingly ugly winds and seas. In other words, we had to leave Samana before the waves generated by the last few days of strong winds had time to subside.
That’s not a real problem, we are now used to sailing upwind in uncomfortable seas as it’s pretty much what we get all the time going East, and we have the right boat for that. (I’ll give you more details about why Sage is a good ‘bad weather’ boat in another post).
So we left at sunset, in a heavy no-fun steep chop. We hoisted the mainsail only, with one reef to stabilize and ease stress on the boat. We are motor-sailing, which means we are zig-zaging (tacking) at 25 degrees from the wind (instead of the usual 45+).
All is going well, until I decide to go down below to get myself a little ginger candy. Hum, it smells bad in here… smells like diesel…

Le moteur travaille fort, il pousse pour monter chaque vague, ça le fait chauffer un peu plus qu’à l’habitude, donc une petite odeur de moteur est normale… mais là, c’est plus que ça. Ça SENT le diesel avec un gros S majuscule. Alors, je me dis « Hum, intéressant, qu’est-ce qui peut bien causer cette odeur imprévue? ». Non. C’est pas vrai. C’est pas ça que je me suis dit. Je me suis dit : « Calvert… on n’est pas encore partis, pis déjà toute pète ENCORE! » J’étais pas content, et j’avais un peu l’attitude du capitaine Haddock. Mais bon. C’est pas comme si on avait beaucoup le choix, regardons ce qui se passe, c’est peut-être pas si pire.
En fait, depuis quelques semaines, on avait déjà remarqué qu’il y avait quelques fuites de diesel sous le moteur, mais rien de grave. Alors j’avais attaché des petits bouts de napkins aux endroits suspects pour essayer de trouver d’où venait la fuite exactement.
Je demande à Magalie de gérer le bateau pendant que j’évalue la situation. Il faudra enlever les marches de descente, et ouvrir tout le casier moteur pour avoir accès – ce qui fait que je n’aurai plus accès au cockpit pour un bout de temps, et qu’elle devra se débrouiller toute seule. Ça ne devrait pas poser de problème, tant que rien d’autre d’imprévu n’arrive. Mais il faut se méfier de l’effet domino quand les choses se mettent à mal aller; un autre petit imprévu qui serait en d’autre temps banal peut devenir plus complexe… et entraîner à son tour des problèmes plus graves. Alors on la joue de prudence; on reste loin de la côte, on pointe un peu moins dans le vent.
The engine is working hard, it’s pushing to climb each steep wave, which makes it run a little warmer than usual. So a little engine smell should be normal… but this… this is more than a little engine smell. It STINKS diesel with a big S. So I tell myself “Hum, interesting, what could be causing that unexpected odour?” No. It’s not true. That’s not what I’m thinking. I’m thinking “F*ck, we haven’t even left DR yet, and stuff is breaking AGAIN!” I was not happy… and my attitude was a lot like Capt’n Haddock. Oh well, it’s not like there’s another option here. Let’s check what’s going on, maybe it’s not that bad.
In fact, it’d been a few weeks since we noticed we had a new small diesel leak on the engine absorbent pads. It didn’t seem very big, so I had tied a bunch of small napkins in all suspect areas in the hopes of identifying the exact source of the leak.
I asked Magalie to manage the boat while I assess the situation. I need to unmount the staircase to open the engine compartment, which means I will not be able to get back out in the cockpit for a while, and she will have to deal with the boat by herself. That shouldn’t be a problem, as long as nothing else bad happens. We are always a bit worried about the domino effect when something goes wrong. Another small unexpected bad luck, which is usually not a big deal, can then become more complex, and lead to even worst situations. So we take double careful decisions, we stay clear of the coast, we stabilize the boat as best we can.
Je mets ma lampe frontale. J’enlève les marches de la descente et je les sécurise avec la courroie anti-roulis pour ne pas les recevoir derrière la tête. J’enlève le compartiment moteur et je regarde là où étaient mes petits bouts de napkin. C’est pu des napkins, c’est une grosse slush de papier mou imbibé de diesel rose. Ca pisse le diesel… environ deux gouttes à la seconde. En 40h de navigation, ça va faire beaucoup de gouttes. J’enlève les papiers de diesel mouillés, j’ai les mains toutes huileuses, j’essaie de ne pas en mettre partout – mais ça bouge pas mal… le plancher commence à être un peu mouillé de diesel glissant.
Ma lampe frontale s’éteint… sans raison. Je la rallume. Maintenant j’ai aussi du diesel dans le front. De mieux en mieux.
Je remets des nouveaux bouts d’essuie-tout… pour essayer de trouver d’où vient la fuite précisément. Ça se précise – le carburant semble venir de la pompe à haute pression. C’est une mauvaise nouvelle – ça n’est pas une pièce qui se répare aisément.
Je remplace (encore) les essuie-touts. Le ziploc dans lequel je mets les vieux mouillés a une fuite, le plancher commence à être drôlement glissant. Les genoux me glissent là-dedans… je vais finir par me retrouver face première dans dans la courroie d’alternateur. Alors je me met à plat ventre… la bédaine dans le jus qui pue. C’est moins confo, mais c’est plus stable et sécuritaire. Je travaille avec toute la grâce d’une otarie sur un plancher de McDo huileux.
Avec un peu de chance, ce sont les arrivées de diesel vers la pompe qui fuient. Si c’est ça… il y a peut-être de l’espoir. Sinon, on retourne à Samaná pour commander des pièces, et la traversée sera pour une autre fois. J’avertis Magalie et Hugo qu’on devra probablement s’arrêter pour réparer.
I put my headlamp on. I remove the staircase and secure it in the galley with the stove strap so I don’t receive it behind my head. I open the engine compartment and look at all my little scattered napkins. They don’t look like napkins anymore, it looks more like a big slump of wet pink paper. It’s dripping diesel, at about 2 drops per second. In the 40h of navigation ahead of us, that’s a lot of drops. I remove all the diesel infused napkins, my hands are all oily, I try not to put it all over the place – but it’s moving quite a lot around here… the floor is starting to be a bit wet with slippery diesel.
My headlamp turns off by itself for no reason. I turn it back on. Now I have diesel on my forehead too. Even better.
I put new pieces of paper towels here and there, trying to pin point where the leak is coming from. I’m starting to get a good picture of what’s happening; the fuel seems to be coming from the high pressure pump. It’s bad news; it’s not an easily repairable part.
I move paper towels around once more. The Ziploc bags in which I put the wet ones is leaking. On my knees, I’m slipping around in diesel. I’ll end up head first in the alternator’s pulley. I lay down on my belly – in the stinky juice. It’s less comfortable, but safer in the conditions. I work with all the artistic elegance of a walrus breakdancing on a greasy McDonald’s floor.
With some luck, it’s the diesel intake to the pump that are leaking. If it’s the case, there may be some hope. Otherwise, we’ll have to turn around and go back to Samaná, order new parts, and the crossing will be for another day. I tell Magalie and Hugo that we’ll probably have to stop for repairs.

J’aurais dû manger mon bonbon au gingembre avant de me mettre la face dans le moteur. C’est pas très bon pour l’estomac la tête en bas dans les odeurs de diesel – surtout quand ça bouge comme ça. Il parait que le gingembre ça aide. Le diesel, je confirme, ça n’aide pas.
Il y a deux arrivés de carburant sur la pompe, qui ne semblent pas couler. J’essaie de regarder derrière la pompe avec un petit miroir de dentiste, pour voir si la fuite ne viendrait pas de là. Il coule trop de diesel sur le miroir, et avec les vibrations du moteur, il n’y a rien à y voir.
Le moteur rote deux ou trois coups. C’est normal; si le diesel sort, c’est probable que l’air entre. J’avertis Magalie que je vais l’arrêter. Mieux vaut l’arrêter nous même que le laisser s’arrêter de lui-même et devoir le purger de son air plus tard. C’est une procédure un peu emmerdante.
Le moteur arrêté, je re-essuie tout… question de savoir si ça coule même avec le moteur arrêté. Enfin une bonne nouvelle. Quand le moteur ne roule pas, on ne vide pas notre réservoir dans le fond.
Maintenant que tout est à l’arrêt (le moteur est à l’arrêt… le bateau, lui, tangue et roule encore), j’arrive à voir derrière la pompe avec le miroir… il y a une autre arrivée de diesel sur le revers de la pompe que je ne pouvais pas voir. C’est peut-être elle qui coule.
Magalie, on repart le moteur. Nouveau test. Oui, le diesel semble venir de là. Vraiment? Je sais pas.
La clef 9/16 passe tout juste entre le démarreur, le filtre à huile et la pompe. Si je touche à la borne positive du démarreur avec la clef, ça fait un court-circuit. C’est mal. Comme croiser les effluves. Si je touche au filtre à l’huile avec ma main, je me brûle. Ça me laisse un gros 10 degrés de débattement pour resserrer la vis d’entrée de carburant. En regardant à travers le petit miroir de dentiste, je n’arrive tout simplement pas à placer la clef sur la tête hexagonale de la vis. Ni avec le coté à 8 pans, ni avec le coté ouvert de la clef.
Entre les genoux qui me glissent sur le plancher, la main que je me brule sur le filtre et la clef huileuse que j’échappe à répétition dans la cale… y’a des mots pas beaux qui sortent. Je suis en train de perdre ma place au paradis que j’avais tellement mis d’efforts à gagner. Ouais.
Finalement, la clef s’engage sur la tête de la vis. Puis échappe. Après quelques tentatives, je l’ai. Et j’ai un peu de débattement pour serrer :
Je force un peu…
Rien ne bouge.
Je force beaucoup…
Ca ne bouge toujours pas. Si ça fait crack… je perd la partie.
Je force passionnément…
Ca fait crack. FAAAAAWK!
Là, ça ne dégoute plus : ça PISSE! On vient de passer de deux gouttes par seconde à deux litres par minute. Pas cool. Je demande à Magalie d’aller se mettre à l’ancre. J’avertis nos amis sur Big Fish que notre traversée s’arrête là et qu’on les rejoindra à la première fenêtre météo après nos réparations.
I should have eaten my ginger candy before working head down in the engine. Apparently, ginger is good against seasickness. Diesel, I confirm; is not.
There are two fuel intake on the pump. Neither seems to be leaking. I try to look behind the pump with a small mirror, to see if that’s where the leak is coming from. There is too much diesel dripping on the mirror, and too much vibration – I can’t see anything.
The engine misfires a couple of times. It’s normal… if diesel is leaking out, air is probably leaking in too. Better stop it now rather than let it starve itself. We’ll save the purging process – that would be ennoying.
Once the engine is stopped, I wipe everything, trying to figure if it leaks even when it’s not running. At last a good news; when the engine is stopped, we stop emptying our tanks in the bilge.
With the engine stopped (the engine is stopped, but the boat is still pitching and rolling), I manage to look behing the pump… and there it is: a diesel intake that I could not see before.
Magalie, let’s restart the engine! New test. Yes… that’s where the diesel was coming from… it seems… I hope… maybe?
The 9/16th wrench barely fits between the starter, the oil filter and the pump. If I touch the starter positive lead, it sparks. It’s wrong. If I touch the oil filter with my hand, I burn myself. It leaves me with a good 10 degrees of movement to move the wrench. Looing through the small mirror, I can’t manage to get the wrench on the bolt head.
Between me slipping on the diesel coated cabin floor, dropping the wrench in the bilge, burning myself on the oil filter… I said a couple of bad words.
Finally, I manage to get the wrench engaged on the nut, and I have some room to tighten it.
I force a little on it…
Nothing moves.
I force a lot on it…
It does not move. If it goes “crack”… the game is over.
I force passionately.
And it goes “crack”. FAAAAAAAA!!
Now, it’s not dripping anymore… it’s PISSING. We went from two drops a second to two liters a minute. Not cool. I ask Magalie to head for a safe anchorage. I call our friends on big fish to let them know that it’s over. We’ll repair and meet them later.
Assis dans ma flaque de diesel, je me mets à réfléchir un peu plus lentement;
Serrer une vis: sens horaire.
Serrer sur le REVERS de la pompe : sens anti-horaire.
Serrer une vis sur le REVERS de la pompe vue dans le MIROIR : sens horaire.
Comme un con, je fais le geste d’ouvrir un pot de pickle avec ma main, la paume vers moi. Ben oui… j’ai serré dans le sens Australien.
On y retourne et on recommence: à plat ventre, la clef qui glisse, le filtre qui brûle et toute la patente. Mais cette fois… ça marche. Je serre la vis – dans le bon sens – et ça ne coule plus. En tout cas, ça coule moins. Je remets des napkins, je ramasse mon dégât, je retiens mon vomi, je m’essuie le diesel du front et je referme le casier moteur.
Cinq milles de faits, cent-quarante-cinq à faire.
Puerto Réal… on arrive!
Sitting in my pool of diesel, I start thinking;
Tightening a screw: clockwise.
Tightening a screw BEHIND the pump: counter-clockwise.
Tightening a screw BEHIND the pump in a MIRROR: clockwise.
Like a dummy, I mimic opening a pickle jar with my had, palm towards me… Of course… I tightened it the Australian way.
Back at it, new attempt: Slipping wrench, burning filter, walrus position and all that. But this time… clockwise, and it works. No apparent leak. I install new napkins to monitor; clean my mess, clean the diesel from my forehead and close the engine compartment.
Five miles done; a hundred and fourty five to go.
Puerto Réal, here we come!
This Post Has 4 Comments
Oh bad memories of similar instances. Finally drove me crazy and now it’s yours – sorry!!
Toujours aussi le fun de vous lire… bon vent!!!
Daniel et Céline
La Familiale
Trop drôle! Même si ce ne l’est pas… Bonne continuation sans trop de pépins!
And I’m picturing if you had to climb up to go topside and slipping on the fuel. Even though it was a nightmare, it wasn’t a catastrophe. Keep posting