Norfolk, VA — ICW — Beaufort, NC

24 novembre — 7 décembre 2021

Les fameuses quenouilles… Ah que Rémy n’avait pas hâte à ce bout-là du chemin. Il a tellement peur de pogner le fond, c’en est presqu’une maladie. Et c’est quand même connu que dans l’intracoastal (ICW) — qui relie Norfolk au sud de la Floride par des canaux et rivières balisés, ce qui permet de voyager par l’eau, sans sortir dans l’océan — il y a des hauts fonds, et il faut être très attentif aux bouées pour les éviter en restant bien au milieu de l’étroit canal. Mais bon, plein de bateaux avec un bien plus grand tirant d’eau que Sage sont passés par là avant nous (par exemple notre cher ami Gaël sur GravlaX qui a un tirant d’eau de 7,5’). Sauf que pour ajouter au piquant de l’expérience, j’ai convaincu Rémy de passer par la Dismal Swamp. C’est un passage optionnel de l’ICW dans un petit canal historique de 22 miles tout de suite en sortant de Norfolk. Sauf que… c’est supposé être 6 pieds de creux partout (Sage tire 4,5’ d’eau), mais il y a des buches : des buches qui flottent et des buches qui ne flottent pas vraiment…

C’était le 24 novembre, et le pont brisé qui nous gardait captifs depuis 3 jours allait enfin ouvrir à 11 h. Tôt le matin, tous les marins du coin s’affairaient à leur bateau pour préparer le départ tant attendu. On se dirigeait à la queue leu leu vers le pont comme une parade de Noël sans les décorations. On a suivi nos amis de Maggie, avec qui on était à l’épaule depuis 3 jours, et retrouvé nos amis de Calmalo en chemin parmi tous les voyageurs en direction sud. L’ouverture du pont s’est laissé désirer juste assez pour semer le doute.

« Est-ce que c’était bien aujourd’hui ? »

« Ont-ils renvoyé un avis de retard des travaux que nous n’aurions pas vu ? »

Fiou… le pont lève enfin, et nous passons les uns après les autres.

Curieusement, il n’y avait aucun bateau qui attendait de l’autre côté du pont. Comme si personne ne voyageait vers le nord à ce temps-ci de l’année ! Tiens donc !

Juste après le pont, c’était la jonction avec la Dismal Swamp. Les bateaux qui ont un plus grand tirant d’eau que 6 pieds (ou qui ne veulent pas prendre de chance) vont tout droit, et les autres tournent à droite. On était 7 bateaux à entreprendre le canal. L’écluse ouvrait à 13 h 30, pas de quoi se presser… On s’est mis à l’épaule avec Maggie et Calmalo pour un petit apéro précoce en attendant les instructions de l’éclusier.

“ To all southbound vessels waiting for the Deep Creek Lock, first 5 boats come in with a Starboard tie, and I want the singlehanders to come in last “

Hum, ça voulait dire qu’il y avait juste deux bateaux sur bâbord et 5 sur tribord. Avec notre pas d’hélice qui tire sur bâbord, on aime toujours mieux s’accoster sur bâbord quand on peut. Ils ont le même ‘problème’ sur Maggie (et, ça n’a pas de lien, mais ils ont aussi le même moteur Perkins qui pisse l’huile). Alors on aura bien essayé de convaincre l’éclusier de faire passer les singlehanders avant nous (surtout qu’ils avaient tous les deux leurs défenses sur tribord déjà organisées), mais l’éclusier avait la tête plus dure que notre ancre et Maggie et Sage ont du s’accoster tous les deux sur tribord dans l’écluse. Oh well…

On sort de l’écluse et on est officiellement dans la Dismal Swamp. Moi je trouve ça magnifique, on est comme dans la forêt, il y a des arbres de chaque côté, certains qui se penchent au-dessus de nous comme pour nous dire coucou, certains qui sont vieux, certains qui sont jeunes, certains qui ont perdu leurs feuilles, certains qui sont encore déguisés en citrouille d’Halloween. Il fait beau soleil, il fait plutôt froid, mais que c’est magnifique !

Rémy lui, ne vit pas ça comme ça du tout. Il regarde le sondeur sonner, ça montre 4’ d’eau, il dit ‘ça y est, on laboure dans la bouette’. Je lui rappelle que notre sondeur est 2,8 pieds sous l’eau, donc quand on voit 4’ c’est en réalité 6,8’. Je change la sonnerie du sondeur pour que ça sonne à 3’, Rémy rouspète. On cogne une petite buche : ‘ponk’ sur la coque. Rémy rouspète encore. La pression monte. Il me demande de faire la vigie sur la pointe avant. L’eau est brun foncé, opaque, je ne vois pas grand-chose de plus que lui, mais si ça peut le calmer. Je reste là, je fais la vigie, et j’admire le magnifique spectacle de la nature. ‘Ponk’ on cogne une autre buche. Je ne vous répéterai pas ses mots. ‘Scrouch’ on accroche les haubans dans une branche. Rémy enchaine plusieurs mots catholiques. Je lui dis :

“mais regarde dont en avant !”

“Ben là ! JE REGARDE EN AVANT !!!! Mais je regarde dans l’eau pour pas frapper des buches, pas dans les airs calvaire !”

Hum… la couleur de sa face commence à se réchauffer on dirait.

Après avoir cogné quelques petites buches de plus, on a fini par arriver au North Carolina Dismal Swamp Visitor Center ! On s’est mis à l’épaule de Grant, un jeune marin qui vit sur son Guzzard 36, un bateau canadien fort étonnant en terme de layout intérieur. On a fait un gros spag collectif sur Sage avec Grant, Becca et Will de Maggie et Bruno et Vincent de Calmalo. Une belle soirée entre amis, et une belle façon de partager un peu de confort, parce que notre chauffage au diesel (Wallas), disons-le, il torche en malade. Alors tout le monde était bienvenu de venir se réchauffer à bord ! Le lendemain matin, gros givre partout au sol et sur les bateaux… Merde. L’hiver nous rattrape.

Une autre journée de Rémy qui chiale, et moi qui admire le paysage dans le canal Dismal. Je ne vous referai pas le discours, vous avez compris le contexte. Moins de buches aujourd’hui, une autre écluse, et on a touché le fond une seule fois en sortant du canal. De la belle bouette bien molle, on l’a à peine senti. En bref, à mon avis c’était un grand succès ce canal Dismal. Mais si vous demandez à Rémy, il dira quelque chose comme :

Swompe Décimale : 10 buches, 1 accrochage de branche, 0,1 accrochage de fond, 0,01 chance d’y retourner.

Après la swamp, on était dans la rivière Pasquotank qui mène à Elizabeth City. On est arrêté là 3 jours, principalement pour avoir du réseau pour travailler, parce qu’on savait qu’après Elizabeth City, on serait au milieu de nulle part pendant au moins 2-3 jours. Elizabeth City s’auto proclame ‘harbor of hospitality’. C’est vrai, on n’avait jamais vu autant de quais gratuits par mile nautique de notre vie. Et on avait même accès à une DOUCHE gratuite ! Ah ça c’était bienvenu. La dernière datait de Cape May…

Ça s’est adonné qu’on était là pendant le Thanksgiving américain (ça a justement failli qu’on manque notre douche parce que le visitor center était fermé 1 h plus tôt la veille de leur congé de 3 jours)… Fiou !

Mais le jour de la Thanksgiving, j’avais un meeting annuel avec l’AQU qui durait toute la journée, en ligne sur Teams. Comble de malheur, il fallait que, pour la première fois cette année, notre cher chauffage Wallas ne parte pas ! Rémy a démanché tout le tralala, changé le glow plug, nettoyé le bruleur, remplacé le mini filtre diesel, remplacé le fusible, vérifié que l’approvisionnement en diesel fonctionnait bien, fait la danse du feu… Il a vraiment tout fait pour notre confort, pendant que j’étais dans mon meeting tôt le matin avec toutes mes couches sul’dos, comme un gros toutou… parce qu’il faisait vraiment frette ce matin-là, frette comme plein de frima partout en se levant, et 7 °C au soleil au plus chaud de la journée. BRRRRRRR !!!!!! Mais bon, il faisait soleil au moins, et on survit toujours à ces choses-là en bon canadien robuste et endurcit (OK, je ne suis surement pas la Canadienne la plus robuste ni endurcie, mais quand je rencontre des gens du sud qui se plaignent que 15 °C c’est trop froid, je me console !) Et malgré que pour ajouter à l’aventure, on n’avait pas accès aux douches chaudes pour se réchauffer (fermé, congé de la Thanksgiving… tout le monde doit être en famille pour manger de la dinde !) L’histoire qui finit bien se lit comme suit :

On avait entendu dire, d’un autre bateau voyageur, qu’il y avait un souper de dinde au bar du coin. On a donc eu droit à un repas de Thanksgiving local ! Rémy a pu vivre l’expérience du Southern Thanksgiving, avec les marshmallow sur les patates pis toute pis toute. Il ne savait pas qu’en faisant la danse du feu le matin, l’univers lui apporterait des marshmallow le jour même ! Il se doutait encore moins qu’ils seraient servis sur des patates pilées. C’est comme ça la vie, merci pour toute l’abondance !

La suite de l’ICW était bien relax (pour moi en tout cas). On a fait de la belle voile entre Elizabeth City et Aligator River, on a même vu un Aligator dans Aligator River ! Mais on n’a pas vu de Pungo dans la Pungo River. On a fait une nuit au mouillage et une autre au quai de RE Mayo Seafood (à 0,40 $/pi on peut pas s’en passer), où on a acheté des délicieux steaks de thon et du mahi-mahi. On a aussi revu Justin, un New Yorkais qui descend en Floride en solitaire sur son Catalina 25. Un moyen moineau fort sympa.

Dernière journée dans les quenouilles, pas de voile, on est au moteur tout le long, mais sérieux, le Perkins que Rémy a tout remonté cet hiver, il est top shape. Il a parti à tous les matins, même quand le bateau était couvert de givre ! Y est hot mon chum, il faudrait juste qu’il le sache. Quelqu’un peut lui dire ? Moi, il ne me croit pas…

200 miles de quenouilles plus loin, on est arrivé à Beaufort, NC dans la marina de Homer Smith mardi soir le 30 novembre. C’est vraiment une marina exceptionnelle, premièrement parce qu’il y a du VRAI WIFI qui fonctionne (le WiFi dans les marinas c’est souvent de la fausse publicité), mais il y a aussi des laveuse/sécheuse et une auto de courtoisie !!! GRATIS (ou je devrais plutôt dire, inclus dans le prix…) quand même assez incroyable comparé à ce qu’on connait !

On en a profité, le lendemain matin, pour aller visiter Rusty Ron’s Marine Supply (suggestion de Mireille et Hugo sur Big Fish !) dans la ville d’à côté avec nos amis Becca et Will, qui attendaient leur fenêtre météo vers les Bahamas. Rusty Ron’s… ça s’explique en images :

Voilà.

Sinon Beaufort c’est très petit (le village, pas les bateaux qui s’y trouvent !), mais il y a pas mal tout ce qu’on peut avoir besoin ici. Et presque tout est sur la rue Turner : le café, les burgers pas chers, le wine bar, la microbrasserie, des tables de pool, et même un cimetière de pirate. Ah non, sur la rue Cedar il y a la marina, le resto à déjeuner, le dépanneur Big Daddy, et un autre magasin de pièces de bateau. C’est chouette Beaufort, et c’est drôlement plus chaud que tous les autres endroits qu’on a visités depuis octobre. Ici il y a même des palmiers !!!! Non mais, on rit pus, on est rendu dans l’sud là là ! C’est officiel, on s’est rapproché du Gulf Stream et on sent bien son effet réchauffant ! Merci Gulf Stream, c’est bon de te retrouver, je t’aime.

On regarde Windy, mais il n’y a rien de super pour reprendre la mer bientôt. Il y a encore de l’ICW jusqu’en Floride, mais Rémy fait de l’urticaire juste à y penser. En plus il a pogné le rhume. Trop de stress dans les quenouilles faut croire. Bref, on reste ici une semaine (c’est le même prix ici pour 1 semaine qu’à une marina fancy de NY pour une nuit !), on refait le plein de tout ce qui se remplit, on en profite pour travailler, et cocher quelques items sur la TO DO list du bateau pendant qu’on est à quai, au soleil, et qu’on n’a plus besoin de tuque pour empêcher que les oreilles nous tombent. Yé !!!!

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This Post Has 13 Comments

  1. yves

    Merci Magalie d’aviver mes souvenirs. Il y a 33 ans j’ai passé 6 jours à Beaufort pour attendre la fenêtre météon qui nous a permis de prendre le large. J’ai souvenir qu’à Beaufort c’était merveilleux et qu’au large ce l’était pas mal moins.

    Dans le canal les haut fonds sont sous le bateau. Au large ils sont parfois à l’intérieur de soi.
    Je suis heureux pour toi chère Magalie.
    N’oublie pas de dire à ton chum que je le trouve pas mal hot!

    Yves
    Mon deuxième bateau, le dernier que j’ai eu s’appelait :SENS

    1. Magalie Laniel

      Merci Yves pour ton message à Rémy et à moi! Oui, les hauts fonds de l’intérieur, on les connait mieux que ceux de la ICW! Mais ils s’apprivoisent eux aussi. Merci de nous suivre!

  2. Suzanne

    HOT!!! He is hot! Dans tous les sens. Je vous admire tellement, I am so not adventurous, but I love to hear your adventures. Your photos are also wonderful. I can’t wait to see you!!! And meet that hot guy of yours!
    Love, Suzanne

  3. Karmen Debonville

    Allo gang ! Contente pour vous autres que vous commencez à ressentir un peu de chaleur, et moi ça me fait chaud au coeur de vous lire et d’avoir de vos nouvelles.
    Avec du vent dans les voiles, vous allez pas tarder à vous faire dorer la couenne en Floride !
    En attendant je vous envoi tout plein de chaleureux bisous XOXOXOX
    Karminou

    1. Magalie Laniel

      On a justement eu pas mal de vent dans nos voiles les deux derniers jours, et on vient d’arriver à Jacksonville, FL 😎
      Merci pour tes bons mots Karminou!! Gros calins xx

  4. Sylvie Magnan

    Je confirme, ton chum est super hot et très très bel homme. Moi et Roger avons bien hâte de te voir Magalie avec ton bel amoureux. Xxxx
    A bientôt

    1. Magalie Laniel

      Merci Sylvie pour les beaux mots!!! Hâte de vous revoir aussi 😘

  5. Robert

    Encore une fois je t’ai lu avec un large sourire. Bel humour ma chérie!
    Oui Rémy, il faut être hot pour entreprendre un tel voyage. Il faut avoir confiance à la vie et l’équipière capitaine qui t’accompagne. Surtout ne pas avoir plein d’em( BÛCHES ) dans la tête. J’espère que ça va te faire sourire sur les prochaines photos.
    Milles Milliard de Mille Sabords à la prochaine publication mes héros.
    Papa

    1. Magalie Laniel

      Ah ben là, l’humour, j’ai pas appris ça du voisin!!! Contente que tu te bidonnes avec nous Papa! Le sourire sur les photos, j’y travaille… tu devrais voir tous les bloopers que j’ai en banque!!! Mais j’ai espoir pour la prochaine 😉
      Gros câlin xx

  6. Lysandre

    Très heureuse de te lire Magalie et de suivre vos aventures à distance!! Je prends bonne note de tes commentaires, d’un coup que je passerais par là dans le futur 😉 J’ai bien ris le call de la pungo river, ahah!
    xxxx

    1. Magalie Laniel

      Merci pour ton message Lysandre! Comment vas-tu? Et Lauréline va bien? Quand tu viendras dans le sud, elle vous guidera, comme Sage l’a fait pour nous 😉 Bisous xx

  7. Aline

    Contente de vous savoir arrivé en Floride. Vos photos me rappellent de beaux souvenirs. Oui Beaufort c’est une belle petite ville et OUI Rémy t’es HOT!!! Et Magalie t’es pas mal HOT aussi! Je vous embrasse xxx

    1. Magalie Laniel

      C’est bien généreux ça Aline 😉 T’es fine! On t’embrasse fort aussi xx

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